Discorde – Le choc des cultures
Des chanteurs blancs peuvent-ils jouer du reggae en portant des dreadlocks ? Personne ne se posait vrai-ment la question, jusqu’au 18 juillet 2022, lorsque le groupe bernois Lauwarm a dû interrompre son concert.
La raison ? La coiffure de certains de ses membres dérangeait une partie de l’auditoire. Défense des musiciens dans les colonnes du quotidien Blick: « Nous avons reçu des réactions positives directement de Jamaïque, selon lesquelles les Jamaïcains sont tout à fait d’accord avec le fait que les membres de notre groupe arborent cette coiffure rasta. » Récupération politique de l’UDC qui brandit l’argument du « racisme anti-blancs » et veut traîner en justice le propriétaire du bistrot où s’est déroulé l’événement pour avoir décidé d’arrêter la musique. Et gros pataquès sur les réseaux sociaux au nom de l’appropriation culturelle, ou supposée telle.
Le sujet est éminemment à la mode: soit le fait qu’une culture jugée dominante, ou néocoloniale, emprunte un vocabulaire esthétique à une autre que la sienne, le plus souvent issue d’une minorité. C’est Chanel qu’on accuse d’irrespect envers les Aborigènes en commercialisant un boomerang de luxe, c’est la chanteuse Katy Perry qui subit un feu roulant de critiques pour avoir porté un kimono lors d’un concert ou encore Disney qui retire en catastrophe de ses magasins les déguisements à l’effigie de Maui, le héros de son film Vaiana, parce qu’il arbore des tatouages polynésiens. Ou encore Dior, dont la collection automne-hiver 2022-2023 suscite la polémique en Chine. La maison de mode française y est accusée de plagier un modèle de jupe créé sous la dynastie Song (960-1279) et d’occulter cette référence. Tout comme on lui reproche d’avoir copié des motifs de peinture traditionnelle. Le couturier parisien argue alors que ces dessins d’oiseaux et de fleurs seraient « une interprétation poétique des tapisseries de Monsieur Dior ». Sur le réseau Weibo, 3,5 millions d’utilisateurs pensent autrement. Une résistance de poids lorsqu’on sait qu’en 2025, les consommateurs chinois devraient peser 50% sur le marché des produits de luxe.
Dans les arts plastiques, la critique ferraille pour savoir si les emprunts faits à l’art africain par Matisse et Picasso sont des hommages ayant amené un éclairage neuf sur une culture ignorée ou un pillage parfaitement opportuniste. Une polémique à laquelle échappent les peintures de Jean-Michel Basquiat, peintre new-yorkais d’origine haïtienne-portoricaine. Les références africaines dans son œuvre tout entière abordant sa condition de métis. ■
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