Dilemme allemand : quelle combinaison fiscale choisir ?

Quelles seront à partir du 1er janvier 2013 les obligations fiscales des contribuables allemands détenteurs d’un compte en Suisse ? L’accord de coopération fiscale, dit Rubik, signé entre l’Allemagne et la Suisse esquisse une nouvelle donne… qui ne manque pas de détracteurs.

Pour déroger aux règles de l’administration fiscale allemande, les contribuables alle-mands indélicats déposent des avoirs financiers dans des pays qui n’ont pas l’obligation de transmettre les informations sur leurs clients à l’administration fiscale allemande. La publication en 2005 par l’OCDE d’un modèle de convention sur l’échange d’informations en matière fiscale qui vise à plus de transparence et les pressions internationales ont conduit la Suisse à réviser depuis 2009 ses règles relatives au secret bancaire.

Dans cette tendance vers l’échange élargi d’informations bancaires entre les pays, c’est une voie alternative que propose l’accord Rubik – « deutsch-schweizerische Steuerab-kommen » en allemand – signé le 21 septembre 2011 et complété le 5 avril 2012 par la Suisse et l’Allemagne. Si Rubik entre en vigueur, les contribuables allemands détenteurs de compte en Suisse au 31 décembre 2012 auraient alors deux options : se dénoncer à l’administration fiscale allemande et lui régler un arriéré d’impôts pour les années antérieures au 31 décembre 2012 et pour le futur être imposés sur les avoirs placés en Suisse comme pour tout avoir placé en Allemagne. Deuxième voie, la plus polémique : les détenteurs de compte préserveraient leur anonymat et les banques suisses s’engageraient à verser à l’administration fiscale allemande un impôt fixé entre 21 et 41% pour la période précédant le 31 décembre 2012. Après cette date, les contribuables allemands pourraient rester anonymes et verser l’impôt fixé à 26,4% sur les avoirs placés en Suisse par l’intermédiaire de l’organisme bancaire. « Le montant de cet impôt libératoire pour le futur est équivalent à ce que versent les contribuables allemands sur les avoirs placés en Allemagne», précise Rebeca Garcia, porte-parole de l’Association suisse des banquiers. La troisième voie, non écrite dans l’accord mais implicite, est de fermer son compte en Suisse avant le 31 décembre 2012 et de transférer ses avoirs vers une autre place bancaire sans régularisation du passé ni prélèvements à venir. « Cela tend toutefois à maintenir la situation illicite, précise Me Jean-Frédéric Maraia, associé du cabinet Schellenberg Wittmer et directeur du LL. M. Tax de l’Université de Genève, et pourrait exposer très vraisemblablement le contribuable à des sanctions plus sévères en cas de découverte par le fisc. »

Les opposants à Rubik jugent le dispositif trop favorable aux ex-fraudeurs.

Bien qu’approuvés par l’Assemblée fédérale de la Confédération suisse, les deux textes signés avec l’Allemagne font l’objet d’un appel au vote du peuple depuis le 19 juin et jusqu’au 27 septembre 2012. En Allemagne, l’accord ne pourra pas entrer en vigueur sans la ratification de la Chambre basse (le Bundestag) et de la Chambre haute (le Bundesrat) dans laquelle ce n’est pas la coalition CDU-FDP d’Angela Merkel mais le SPD et les Verts qui ont la majorité. Les opposants à Rubik, l’ancien ministre allemand des Finances Peer Steinbrück (SPD) en tête, jugent le dispositif trop favorable aux ex-fraudeurs. Les estimations sur les milliards que ce dispositif rapporterait, ou non, à l’administration allemande, et les discussions sur leur éventuelle redistribution font couler beaucoup d’encre dans la presse allemande.

FATCA : les nouvelles exigences américaines

En parallèle des discussions ouvertes par la Suisse sur l’échange d’informations bancaires avec l’Allemagne, la Grande-Bretagne et l’Autriche via les conventions internationales Rubik, Berne négocie aussi avec les Etat-Unis les conditions d’application de la nouvelle loi fiscale américaine (FATCA : Foreign Account Tax Compliance Act) concernant la remontée d’informations sur les comptes bancaires des contribuables américains. A partir du 1er janvier 2013, lorsqu’un contribuable américain refusera que soient transmises ses informations à l’administration fiscale américaine, la banque devra réaliser une retenue de 30% sur tous les revenus en provenance des Etats-Unis. Particularité suisse : les échanges d’informations se feront directement entre les banques et l’administration américaine, sans centralisation. L’accord concernant les situations passées n’a pas encore abouti.

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