Byju, l’application sur smartphone
Byju Raveendran est l’enseignant le plus célèbre d’Inde. Qui, dans le monde, peut se targuer d’avoir rempli des stades, juste en donnant des cours de mathématiques ? Âgé d’à peine 36 ans, Byju Raveendran est désormais à la tête de l’entreprise Think & Learn qui veut révolutionner la pédagogie grâce à la technologie.
Ses applications sur smartphone ont été téléchargées plus de 7 millions de fois et près de 300 000 étudiants suivent ses cours en ligne. Sur les vidéos diffusées par la start-up, de jeunes enseignants expliquent le théorème de Pythagore ou l’évolution de l’humanité en manipulant des graphiques et des images grâce au truchement d’effets spéciaux. Ces vidéos sont soigneusement préparées, comme pour un film, avec un storyboard qui détaille chaque visuel et explication. Des musiciens travaillent même à plein temps pour composer les habillages sonores. Mais c’est surtout de l’application pour smartphone, lancée en 2015, dont Byju Raveendran est le plus fier. 500 employés du département de recherche et développement de son entreprise ont travaillé des années pour inventer une nouvelle pédagogie interactive et personnalisée. La formule secrète de la start-up tient dans ces immenses « cartes de la connaissance », qui aident à deviner, par une série de tests à la fin de chaque module, quelles sont les lacunes de l’étudiant afin de lui proposer les cours adéquats. Le chemin vers la connaissance devient ainsi personnalisé. « Vous apprenez le mieux quand vous apprenez tout seul et à votre propre rythme », croit savoir Byju Raveendran qui estime que les parents peuvent tenir le rôle de celui qui encourage et motive l’élève. L’application mélange vidéos et exercices et chaque étudiant peut faire appel à un mentor, par téléphone ou e-mail, au cas où il rencontrerait une difficulté. Grâce à des modules plus courts enrichis de vidéos et d’exemples concrets, l’application veut faire oublier « la peur de la note », et instiller au contraire « le plaisir d’apprendre ». Pour les plus jeunes, qui se déconcentrent plus facilement, l’approche ludique est privilégiée.
La formule secrète de la start-up tient dans ces immenses ‹ cartes de la connaissance ›.
L’entreprise déclare enregistrer près de 30 000 nouveaux utilisateurs chaque mois et s’apprête à conquérir les marchés anglo-saxons. En septembre 2016, la fondation Chan Zuckerberg Initiative, créée par le fondateur de Facebook et son épouse, a investi 46 millions d’euros dans la start-up, la valorisant ainsi à 450 millions d’euros. Une réussite inattendue pour ce fils d’instituteurs, originaire d’un petit village du Kerala, au sud de l’Inde, qui poursuivait tranquillement une carrière d’ingénieur. Jusqu’à ce jour de 2005 où, pendant ses vacances, il aide quelques amis à préparer leurs examens. Séduits par sa pédagogie peu ordinaire, des dizaines d’autres étudiants le supplient de les aider et Byju Raveendran devient rapidement une vedette auprès des 270 millions d’étudiants indiens. « Il y a trois problèmes en Inde, explique Byju Raveendran, le manque d’instituteurs bien formés, l’enseignement de masse qui n’est pas adapté aux besoins de l’élève dans un pays qui compte en moyenne un instituteur pour 35 élèves, et une pédagogie exclusivement centrée sur la mémorisation et la peur des examens. » L’équation de sa réussite tient à la médiocre qualité de l’enseignement en Inde et aux nouvelles aspirations d’une classe moyenne prête à dépenser de l’argent pour la réussite de ses enfants. Le défi posé à l’Inde ne consiste plus à envoyer tous les enfants à l’école, puisque le taux de scolarisation approche des 100%, mais de leur apprendre les bases élémentaires. Près de la moitié des enfants âgés de 7 à 12 ans ne sont pas capables d’effectuer une simple division. Mais l’application Byju qui coûte entre 150 et 500 euros par an s’adresse d’abord à ceux qui parlent anglais, soit 10% de la population, et qui ont un accès à Internet. Un enseignement qui exclut, de fait, les plus défavorisés qui ne parlent pas anglais ou vivent dans des régions rurales mal desservies par Internet.