Aux Etats-Unis, les tornades soufflent (aussi) des idées vertes

Ravagée par une tornade au printemps 2007, la petite ville américaine de Greensburg (Kansas) a fait le pari d’une reconstruction durable. Une stratégie qui fait des émules.

Des débris à perte de vue, des voitures retournées, des arbres décapités : lorsque les habitants de Greensburg sortent de leurs abris souterrains, ce matin du 5 mai 2007, ils comprennent en une fraction de seconde que rien ne sera plus jamais comme avant. La veille au soir, peu avant 22 h, une tornade de niveau F5 – la puissance maximale – a semé la désolation dans cette région agricole du sud-ouest du Kansas. Large de près de 3 km, accompagné de rafales de vent à 330 km/h, le tourbillon laisse derrière lui 13 morts, plus de 60 blessés et des dégâts matériels considérables. 95% des bâtiments de la ville sont entièrement détruits, les 5% restants gravement endommagés.
Aussitôt, la solidarité se met en marche. Du Kansas essentiellement, mais aussi du reste du pays, des volontaires affluent pour prêter main-forte et déblayer les débris. L’agence fédérale de gestion des crises, FEMA, installe, quant à elle, des centaines de mobile homes pour héberger 300 familles. « La moitié de la population est partie, se souvient le maire de Greensburg, Bob Dixson. Les gens n’avaient plus de maison. De nombreux habitants d’un certain âge sont partis s’installer dans les communautés voisines. » Certains, toutefois, font le choix de rester. Et une semaine après le passage de la tornade, la première assemblée municipale rassemble 500 habitants sur les 1 600 que comptait la ville avant le drame. Sous une tente géante, au milieu des discussions sur les aides fédérales, les assurances et la reconstruction, un résident, Daniel Wallach, propose alors cette idée folle : faire de Greensburg un modèle de ville durable aux Etats-Unis.
« Certains ont grincé des dents, concède Bob Dixson. Ils trouvaient que le projet faisait très soixante-huitard, très hippie. Il y a eu beaucoup de discussions autour de notre identité et de nos valeurs. » Rapidement pourtant, les doutes se dissipent et un plan de reconstruc-tion durable est défini, avec le soutien de FEMA. Huit mois après la tornade, le Conseil municipal de Greensburg prend une décision forte : tout bâtiment public d’une surface supérieure à 370 m2 devra être construit selon les normes environnementales les plus strictes et utiliser des énergies renouvelables.

Peu avant 22 h, une tornade de niveau F5 – la puissance maximale – a semé la désolation.

Pari réussi

Sept ans plus tard, le résultat a dépassé toutes les espérances. Greensburg est la ville du monde qui compte le plus de bâtiments certifiés LEED par habitant. Cette norme – Leadership in Energy and Environmental Design – prend en compte notamment l’efficacité énergétique, la consommation d’eau, le système de chauffage ou encore l’utilisation de matériaux locaux dans la construction. Par ailleurs, toute l’énergie consommée par la ville provient d’une ferme éolienne, laquelle alimente notamment des lampadaires publics équipés à 100% de LED, des ampoules moins gourmandes et plus durables.
Selon les autorités locales, le pari de faire de Greensburg une ville verte a alourdi d’environ 20% le budget de la reconstruction. Sur le long terme, toutefois, la ville et ses résidents ont à coup sûr fait une bonne affaire. D’après une analyse du Département américain de l’énergie, les dépenses annuelles d’énergie liées aux bâtiments publics de Greensburg sont inférieures de 200 000 dollars à ce qu’elles auraient été si la ville avait été reconstruite de manière conventionnelle.
Forte de ce succès, largement relayé par les médias, Greensburg partage désormais son expérience avec d’autres villes confrontées à des tragédies similaires, comme Joplin (Missouri) ou West Liberty (Kentucky), dévastées par des tornades en 2011 et 2012. A la tête de l’ONG Greensburg Greentown qu’il a fondée, Daniel Wallach, celui par qui tout est arrivé, apporte ses conseils et sa vision. « Ce qu’offre Greensburg, c’est un exemple d’espoir », confiait-il en 2012 lors d’une visite à West Liberty. Deux ans plus tard, en juin 2014, cette petite ville du Kentucky a signé un partenariat financier avec la Fondation Clinton pour continuer à reconstruire de manière durable.

Rubriques
Environnement