À quoi sert la Maison de l’architecture ?

Devenue un acteur apprécié du débat architectural à Genève, la « MA » fait le plein à chacune des conférences qu’elle organise. Paradoxe : ses activités restent sans toit.

Nouveau cycle, nouveau président : la Maison de l’architecture de Genève annonce sa prochaine série de conférences publiques sur le thème « Infra/Super structures », dès octobre et jusqu’en juin 2012. Au programme : l’architecte Renato Salvi, qui a signé les ouvrages les plus marquants de l’autoroute A16 dans le canton du Jura et qui vient de publier une monographie (Ed. Gollion). Mais aussi Jürg Conzett, ingénieur civil dont les vertigineuses passerelles alpines représentaient la Suisse à la dernière Biennale d’architecture de Venise. Ou encore l’architecte française chevronnée Manuelle Gautrand, auteure notamment du rutilant C42, vitrine parisienne de la marque Citroën sur les Champs-Elysées. Des intervenants de première ligne donc, qui présenteront leurs travaux par l’image et les mots à la salle des Abeilles du Palais de l’Athénée, selon l’habitude prise par une Maison de l’architecture toujours sans toit.

L’assistance reste, très majoritairement, constituée de professionnels. Le rêve de bar populaire de l’architecture des débuts est encore loin.

Dynamique étudiante

Un nomadisme « provisoire » qui dure depuis 2007, en attendant de trouver un vrai lieu pour rassembler conférences, expositions et administration de la MA. Le projet, né en 2002, d’un idéal où l’architecture serait discutée au coin du bar comme un vrai sujet populaire, est à ses débuts porté par quelques jeunes architectes aux ambitions généreuses : sortir l’architecture du cercle purement professionnel, l’enrichir de la participation active des gens qui la vivent et l’ha-bitent au quotidien, mais aussi encourager les échanges entre architectes établis, comme au temps de leurs études. L’Institut d’architecture (IAUG) existe encore, et sa dynamique étudiante aussi. S’ensuit assez tôt la recherche d’un lieu, l’organisation de rencontres, la quête de fonds aussi. La disparition de l’IAUG milite en faveur d’un lieu pour l’architecture et les soutiens commencent à venir, malgré quelques revers au plan politique. En 2007, la Fondation Braillard Architectes (FBA) et la Fédération des associations d’architectes et d’ingénieurs (FAI) soutiennent le projet et créent l’association de la Maison de l’architecture. Celle-ci fonctionne désormais grâce aux contributions des sections professionnelles de la place, de fonds publics (Ville de Genève) et privés (Implenia, Construction Perret SA, etc.). Pour l’heure, l’association compte quelque 200 membres et change régulièrement de tête. Matei Agarici succède à Rolf Seiler cette année.

Content image
C42 la vitrine de Citroën. Elle a été réalisée par Manuelle Gautrand, sur les Champs-Elysées.

Professionnels surtout

Son budget annuel, sous la barre des CHF 150 000.–, lui permet l’organisation de conférences en accès libre pour tous depuis 2007. Elles font généralement salle comble aux Abeilles, un public souvent de noir vêtu hochant la tête d’un air entendu aux paroles des conférenciers et posant de savantes questions en fin de séance. L’assistance reste, très majoritairement, constituée de professionnels. Le rêve de bar populaire de l’architecture des débuts est encore loin. Et même si la verrée qui clôture les conférences est plus détendue, on y côtoie surtout des architectes, des urbanistes. Quid du domaine immobilier, voisin des préoccupations architecturales ? « Débattre du droit du bail n’est pas notre objectif, mais proposer des réflexions sur la performance des bâtiments, par exemple, fait partie de nos thèmes. Nous l’avons d’ailleurs déjà fait sur la question des économies d’énergie », explique-t-on en substance au comité de la MA. Et le logement, question centrale dans la vie des Genevois ? « C’était le thème des conférences au printemps 2008, mais il est abordé dans beaucoup de présentations, sous différentes formes ; également lors de certaines visites, comme à Pâquis Centre à l’été 2010. Ou encore lorsqu’on s’interroge sur la densité. » Autre angle d’approche, celui de l’ingénierie, déjà présent lors du précédent cycle sur les utopies et qui revient en force dans la prochaine série autour des infra et super structures.

Content image
L’élégant bassin des pingouins, au zoo de Londres, réalisé en 1934 par Berthold Lubetkin. L’image emblématique du nouveau cycle de conférences de la Maison de l’architecture.

Agenda utile

L’autre fleuron de la MA est sans doute cet humble service qui manquait à Genève : un outil (en l’occurrence un site Internet) qui tient l’agenda de toutes les manifestations qui ont trait à l’architecture. Visites guidées de réalisations (avec les dimanches à pied ou les samedis à vélo), conférences, expositions, chaque événement prévu dans la région genevoise y est répertorié. Et pas question d’« oublier » telle ou telle conférence : les 2 000 personnes ou sociétés inscrites à la newsletter reçoivent de réguliers rappels pour les événements à venir. Ce service de coordination et de rassemblement des informations remplit une bonne part de l’ambition de la MA, même si celle-ci se rêve en plateforme vivante et moins virtuelle pour le grand public, à l’image d’autres maisons de l’architecture qui existent ailleurs en Suisse romande. A l’instar du FAR, Forum d’architectures Lausanne, mais aussi des Forums de Bienne, Fribourg, Zurich. En France, le très puissant Ordre des architectes est à l’origine d’un réseau fédérant 60 maisons de l’architecture. Genève attend toujours la sienne.