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Interview de Xavier Oberson

Incitations fiscales : on pourrait aller plus loin.

Xavier Oberson, Avocat fiscaliste et professeur à l’Université de Genève

– Quelle est la situation fiscale du mécénat en Suisse et à Genève ? Pourrait-on imaginer, comme cela se fait sous d’autres cieux, des déductions d’impôt pour les collectionneurs mettant à disposition ou finançant des sculptures, installations ou autres oeuvres d’art dans l’espace public ?

Xavier Oberson – La Suisse n’est pas mal lotie en comparaison internationale. Sur le plan genevois, la loi fiscale a changé et il est possible aujourd’hui de déduire les dépenses de ce type jusqu’à concurrence de 20 % (contre 2 % à 7 % auparavant) de son revenu imposable. On rejoint ainsi le taux agréé par l’impôt fédéral. Certes, on pourrait aller plus loin, comme le canton de Bâle-Ville qui autorise les déductions sans fixer de quota du tout. Cela dit, les contributions peuvent désormais s’effectuer également en nature : si vous offrez un Rodin à un musée, vous pouvez en déduire la valeur de votre revenu, mais à concurrence de 20 % de celui-ci. Autre très bonne disposition: la dation en paiement, qui permet de régler un impôt successoral, moyennant un accord de l’Etat, avec remise d’une oeuvre d’art reconnue.

– Pourrait-on imaginer d’autres incitations, par exemple des simplifications administratives pour les sociétés qui s’engagent à financer une oeuvre d’art ou un aménagement artistique public ?

– Les sociétés bénéficient des mêmes dispositions que les personnes physiques, avec, le plus souvent, le même plafond de 20 %, dans la mesure où il s’agit de dons bénévoles. Si le nom du donateur ou du contributeur apparaît et qu’il n’y a pas mécénat, mais parrainage, on entre alors dans une relation commerciale et la somme peut être déduite par l’entreprise comme frais de publicité ou de marketing. Si, en revanche, le versement est désintéressé, sans contre-prestation, on entre dans le mécénat. On pourrait imaginer que dans le cas du mécénat, la quotité de déduction du revenu soit accrue, dans l’intérêt de la promotion de la culture.

– La taxation des collectionneurs est-elle trop forte sous nos latitudes ?

– Au contraire. Genève est le seul canton à exonérer largement les collections d’oeuvres d’art de l’impôt sur la fortune, à condition qu’elles soient exposées, notamment en un lieu privé comme son domicile (et non dans un coffre ou un dépôt, par exemple). Toutefois, le canton de Vaud perçoit un impôt sur la fortune pour les oeuvres d’art même exposées chez soi. La position du canton est par contre assez ouverte concernant l’évaluation de ces oeuvres d’art pour l’impôt sur la fortune. Les plus-values dégagées lors de la vente d’objets d’art ou de collections ne sont pas imposables en Suisse, à la différence de nombreux Etats, dans la mesure où le vendeur n’est pas un marchand ou un professionnel de l’art. Cela dit, il convient de rappeler que l’impôt sur la fortune est une spécialité que la plupart des Etats ne connaissent pas ou plus. Les déductions sont fondamentalement les mêmes dans le canton de Vaud. ■