Démocratie locale 2.0

De nombreuses applications mobiles proposent de faire le lien entre les habitants d’une ville et leurs élus. Qu’il s’agisse de renouer le dialogue entre les citoyens et la mairie, de diffuser des informations, de faire remonter un problème aux services concernés ou de voter sur un projet d’aménagement, ces applications réinventent la démocratie locale.

Berceaux de la démocratie, les villes constituent un terrain de jeu idéal pour les civic tech, ces start-up qui veulent améliorer la démocratie en utilisant les technologies numériques. En effet, en ces temps de défiance des citoyens envers la démocratie représentative, l’échelon local est idéal pour reconnecter les électeurs avec leurs représentants. C’est le pari qu’a fait Fluicity, l’une de ces start-up. « Si les citoyens ne vont plus voter et n’ont plus confiance en leurs élus, c’est parce qu’ils ont l’impression que leur opinion n’a aucun impact. Notre objectif est donc de restituer cet impact à l’échelle locale », explique la fondatrice de Fluicity, Julie de Pimodan. L’application, qui est notamment utilisée à Vernon en Normandie et dans le 9e arrondissement de Paris, permet aux habitants de communiquer directement avec leurs élus, de s’exprimer sur des projets de la mairie ou encore de soumettre des propositions d’aménagement qui pourront être réalisées si elles recueillent suffisamment de soutiens.

L’échelon local est idéal pour reconnecter les électeurs avec leurs représentants.

Pression sur les services municipaux

En se dotant de l’un de ces outils numériques de co-construction et de co-gestion de l’espace public, les collectivités « acceptent de prendre des risques pour bénéficier d’une plus grande proximité avec leurs concitoyens », observe Philippe Rambal, associé gouvernement et secteur public chez EY. Les applications permettant de signaler un problème (de voirie, de déchets, etc.) font remonter instantanément les informations, ce qui exerce une pression sur les services municipaux concernés, obligés de s’adapter à cette nouvelle donne. « À Argenteuil, les différents services se sont réorganisés autour de TellMy-City pour centraliser les informations, faire leur plan de route chaque semaine et préparer le matériel à l’avance, ce qui leur permet de gagner en coût et en efficacité », rapporte Thomas Bombenger, directeur marketing et communication de l’application TellMyCity. Développée par le groupe Spallian, cette application a déjà plus de 60 communes clientes, principalement en France mais aussi au Brésil et en Afrique du Sud. « Nous avons des perspectives de développement en Allemagne et en Suisse, où l’on observe aussi cette tendance à vouloir octroyer une plus grande place au citoyen dans l’organisation de la collectivité », indique Thomas Bombenger. Partout, le défi est d’attirer suffisamment de citoyens. Généralement, ces outils numériques essayent de toucher au moins 10 % des habitants. C’est peu mais leur point fort est « d’amener d’autres publics, notamment les jeunes, à s’intéresser à la chose publique et à prendre part à la démocratie », constate Philippe Rambal.

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Dans la ville. Des applications permettent de signaler un problème dans sa rue ou de soumettre un projet d’aménagement dans sa ville.

Protection des données personnelles

Cet aspect générationnel a été observé par la métropole Nice Côte d’Azur, qui a rejoint l’année dernière la plateforme de débats en ligne Civocracy. « Nous avons pu toucher des populations qui ne sont habituellement pas bien prises en compte dans la gestion des villes : les jeunes, les actifs », indique Christian Tordo, adjoint au maire de Nice et référent sur les projets smart city. En lançant cinq discussions, dont une sur la pollution sonore, la métropole a attiré 1400 personnes sur la plateforme et suscité environ 300 contributions, dont 7 ont été retenues. « Cette expérience a été positive. Les chiffres sont modestes par rapport aux 500 000 habitants de la métropole mais ils sont satisfaisants si on les compare à d’autres expérimentations faites ailleurs », assure Christian Tordo. Les données recueillies via ces applications peuvent être de véritables mines d’informations. « Grâce à l’application, certaines de nos villes ont réussi à trouver l’origine de problèmes, par exemple de stationnement, dont elles n’avaient pas réussi à identifier la cause jusqu’ici, indique Pierre Saulnier, co-fondateur de l’application Neocity. C’est une véritable aide à la décision. » Ce brassage de données appelle à la plus grande vigilance quant à la protection des données personnelles. Ainsi que le préconise Philippe Rambal, « il faut s’assurer en permanence que les données réutilisées par la collectivité ou mises à disposition en open data soient correctement anonymisées. »

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Innovation Urbanisme