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Sous-location Airbnb : fraudeurs, méfiez-vous !

Quand on est locataire, sous-louer son appartement sur Airbnb peut s’avérer très rentable. Mais attention à bien se renseigner sur les lois, sous peine d’amendes ou de la résiliation du bail…

Le succès d’Airbnb n’est pas au goût de tous. D’un côté, les locataires, à qui la plateforme permet, depuis 2008, d’arrondir leurs fins de mois en louant ponctuellement leur logement. De l’autre, les mairies mécontentes de voir leurs villes transformées en « parc d’attraction touristique », dénonce Ian Brossat, maire adjoint de la mairie de Paris, chargé du Logement. En Suisse en 2018, 900’000 nuitées ont été réalisées, d’après le rapport annuel d’Airbnb. Le nombre d’appartements mis en location s’élève quant à lui à 600’000 en 2019, chiffre qui a triplé en trois ans, selon une étude de Raffeisen. Ce phénomène « contribue à la pénurie du logement », explique Fanny Roulet, avocate genevoise spécialisée en droit du bail.

Pour lutter contre les locations de courte durée répétées, les villes ont mis en place des législations, afin de contrôler les séjours. En Suisse, la loi varie selon les cantons, mais sur Vaud et Genève, « dont les villes sont assaillies par les touristes », rappelle l’avocate, le nombre de nuits maximum autorisé par an est respectivement réduit à 90 jours et 60 jours. Cette limitation nécessaire « empêche la professionnalisation de la sous-location, et ralenti la concurrence envers les professionnels de l’hôtellerie », dit-elle encore. Ces chiffres correspondent à quelques vacances et week-ends », mais, selon la spécialiste, ils ne prennent pas assez en compte « les personnes qui partent en formation ou les étudiants en séjour linguistique ». En France, la limite est fixée à 120 jours, mais selon le maire adjoint de Paris c’est trop. « À Paris, les quartiers du centre-ville sont vidés de leurs habitants ! », estime Ian Brossat.

Pour sous-louer son logement, « l’accord écrit du propriétaire, où figurent les délais, prix et conditions de location, est obligatoire », détaille l’avocate Fanny Roulet. Sans accord, le locataire s’expose à de – fortes – amendes. Ainsi, en 2018, une femme a été condamnée à rembourser 46’000 euros, l’équivalent de sept ans de loyers non déclarés. Emma*, locataire du XXe arrondissement de Paris, n’attend pas toujours d’autorisation, longue à obtenir : « Pour un week-end, ce n’est pas rentable de perdre tout ce temps. » En Suisse, les propriétaires ont peu de moyens de refuser une sous-location. Ils ne peuvent s’y opposer, que si les conditions du sous-loyer ne sont pas respectées, ou si cela crée un « désagrément majeur ».

Ces restrictions doivent éviter que la rotation incessante des sous-locataires ne nuise aux autres résidents. Sans parler des fêtards : dans le centre de Paris, Monsieur Paul*, gérant d’immeuble, a déjà prévenu la police plusieurs fois : « C’est infernal. Les parties communes sont souillées, on est réveillé en pleine nuit… » Par ailleurs, les revenus générés doivent être déclarés aux autorités financières. À Genève et sur Vaud, ils ne doivent pas dépasser 20% du prix du loyer, un chiffre variable selon les cantons. Ce montant ne doit servir qu’à couvrir les frais de service et de ménage, sous peine de devoir rembourser les sommes perçues.

En 2017, un locataire zurichois a été condamné à rembourser 1’620 francs, une partie des trop-perçus réalisés. « Airbnb ne doit pas être un moyen de se faire de l’argent sur le dos du propriétaire », résumait le Tribunal des baux et loyers zurichois. Pour traquer les locations illégales, certaines villes comme Berlin et Paris ont mis en place un système d’immatriculation, remise par les mairies. Et si Airbnb se targue de bloquer automatiquement les annonces parisiennes après 120 nuits de location, ce n’est possible uniquement que sur les logements disposant de cette immatriculation. « Or à Paris, nous en avons repéré au moins 1’000 sans numéro d’immatriculation », dénonce Ian Bros-sat. Paris, qui a assigné la plateforme plusieurs fois en justice, entretient des relations tendues avec cette dernière. « Airbnb récolte des commissions sur des locations illégales », monte au créneau Ian Brossat. Du côté du géant califormien, on rappelle : « Les règles européennes indiquent que les plateformes ne sont pas tenues de surveiller de manière proactive l’activité de leurs utilisateurs. » Dans ces conditions, la traque aux logements illégaux semble donc encore difficile.

*Les prénoms ont été changés.