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Pour une culture du bâti

Il suffit d’ouvrir les yeux pour découvrir la richesse de la scène architecturale. Les prix d’architecture suisses et romands sont là pour nous le rappeler.

Pas moins de 352 professionnels ont participé à l’édition 2018 du prix suisse d’architecture Arc-Award, un record depuis son lancement en 2012. Au niveau régional, le jury de la Distinction romande d’architecture (DRA 4) – qui s’est tenue à Genève en automne dernier – a évalué 313 projets. Certes, seul un petit nombre de travaux ont été récompensés, mais il n’en reste pas moins que la vaste palette de projets présentés dans ces deux concours démontre la créativité des architectes suisses. Nouvelles solutions constructives, usage innovant de matériaux et réflexions sur nos modes d’habitat et de travail guident les réalisations qui parsèment notre pays.

 

Le prix suisse d’architecture Arc-Award ne s’intéresse pas seulement au bâtiment en tant qu’objet, mais aussi aux interactions avec l’espace environnant.

L’importance du contexte

L’Arc-Award – organisé tous les ans depuis 2012 par la Documentation suisse du bâtiment – est l’un des prix d’architecture les mieux dotés de Suisse et est devenu un label de qualité reconnu par de nombreux professionnels. Des architectes de toute la Suisse et des étudiants ont concouru à cette 7e édition, dont les lauréats ont été désignés en novembre 2018 à Zurich. Le jury a attribué des prix dans les catégories suivantes : « Bâtiments publics, industriels et commerciaux », « Bâtiments d’habitation », « La première construction », « Next Generation » (projets d’étudiants). Un prix spécial et deux prix BIM (« Innovation » et « Collaboration ») ont également été décernés. Puisqu’il est impossible de se prononcer en architecture sur la seule base de plans et de photomontages, les membres du jury ont pris la peine de se rendre sur place pour évaluer les projets présélectionnés (au total 16 bâtiments). Ils ont ainsi pu juger des usages, du site et de la qualité d’exécution des constructions. Des paramètres particulièrement importants pour ce prix qui ne s’intéresse pas seulement au bâtiment en tant qu’objet, mais aussi aux interactions avec l’espace environnant. Le complexe scolaire de Chandieu à Genève (Atelier Bonnet & Cie) – l’un des six lauréats de l’Arc-Award, qui a aussi obtenu cette année une mention de la DRA – s’inscrit pleinement dans cette approche. Cette construction relie en effet deux parcs existants pour en faire un espace continu, sans rupture. Selon les concepteurs, « l’école, la crèche et le jardin d’enfants, le gymnase et la piscine, la salle polyvalente et la cantine sont alignés les uns après les autres, de manière à créer un espace urbain vivant, telle une rue piétonne. Cependant, l’intervention ne se limite pas à l’ajout de fonctions singulières. De nombreuses références, perspectives et ouvertures relient les différents domaines et créent un ensemble complexe à plusieurs niveaux.

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Stadterle
Habitat coopératif Stadterle, Bâle

L’architecture s’ouvre au paysage et au public

La Distinction romande d’architecture (DRA) est également sensible aux réflexions liant les projets à leur cadre social et environnemental. En 2018, les réalisations d’architecture d’intérieur et du paysage ont été intégrées à ce prix régional organisé tous les quatre ans à tour de rôle par les six cantons romands. Sélectionnés par un jury international présidé par Yvette Jaggi et vice-présidé par l’architecte britannique Tony Fretton, huit projets parmi les 26 nominés sont sortis lauréats de cette 4e édition. Par ailleurs, 12 autres propositions ont reçu chacune une mention. L’architecte cantonal genevois Francesco Della Casa, secrétaire du Comité d’organisation de la DRA 4, se dit satisfait de ce palmarès, « qui reflète un état de l’architecture suisse romande. Le jury a pris des positions très claires, sans se contenter de récompenser les qualités esthétiques des réalisations. Il a mis l’accent sur le logement collectif, les espaces publics, le paysage et la ‹ réparation › du territoire dans des situations périurbaines ou villageoises en perte de substance. » Cette attitude face au développement territorial s’exprime en particulier dans l’un des projets lauréats, la Maison Farel à Bienne (0815 Architekten GmbH), un bâtiment construit en 1959, classé à l’inventaire du patrimoine et qui tombait en ruine. Le jury d’experts a considéré l’opération de restauration, l’animation et le travail d’équipe comme exemplaires. Autre lauréat de la DRA 4 : la revitalisation de l’Aire à Genève (Georges Descombes, Atelier Descombes Rampini) qui est parvenu à générer un équilibre entre l’écosystème et les usages récréatifs. La DRA est par ailleurs sortie cette année des arcanes du milieu professionnel : la population a été conviée à la cérémonie de remise des prix et à l’élection de son projet favori (Prix du public). L’exposition itinérante en Suisse romande se poursuivra en Suisse alémanique et au Tessin, avant de s’exporter dans les grandes capitales européennes.

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Revitalisation de l’Aire, Bernex, Confignon, Perly-Certoux

Habitat dense et abordable

L’architecture doit, en premier lieu, satisfaire les besoins fondamentaux, comme la nécessité de se loger. Dans le domaine de la construction de logements en Suisse, de nombreuses solutions se développent, notamment en ce qui concerne les typologies d’habitat, la gestion de l’énergie et les relations entre espaces privé et public. Signe de cet élan créatif, la catégorie « Bâtiments d’habitation » a remporté le plus grand succès de l’Arc-Award avec 182 candidatures déposées. Le gagnant, l’immeuble d’habitation coopératif Stadterle bâlois (Buchner Bründler Architects BSA), peut accueillir une centaine de résidents ; il se démarque par sa matérialité faite de plaques ondulées vertes en polycarbonate, de béton, métal et bois. Mais c’est certainement sa contribution sociale qui a séduit le jury : l’accès aux appartements se fait par de généreuses coursives. Ces dernières, tout comme le toitterrasse ou les salles communes offrent des espaces favorisant les relations de voisinage. La recherche de formes idéales d’habitat a aussi dicté de nombreux projets d’étudiants, soumis à la catégorie « Next Generation ».

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Maisons locatives en bois au chemin Rigaud 55, Chêne-Bougeries

Du côté régional, l’habitat et les équipements collectifs ont également eu les faveurs de la DRA 4, en particulier ceux qui démontrent une forte interaction entre le maître d’ouvrage, l’architecte et les habitants. Impact social et inscription dans la durabilité ont été des critères déterminants. C’est en ce sens que s’est distingué Rigaud 55 à Chêne-Bougeries (Genève), un ensemble composé de logements coopératifs et d’une crèche. Il aborde les thèmes très actuels de l’habitat participatif et de la densification en périphérie urbaine. Avec son aspect évoquant six grandes maisons locatives en bois, le projet de Bonhôte Zapata Architectes concrétise spatialement une certaine idée de la vie en coopérative : « Les qualités du bâtiment et la finesse de sa réalisation en font un ensemble de logements remarquable : d’abord un lieu de vie, c’est aussi un mode de vie qui peut s’affirmer ici » (commentaire du jury). Avec ce foisonnement d’idées, primées ou non, force est de constater la présence d’architectes locaux imaginatifs et audacieux, formés dans des bureaux de qualité. Par leur approche sensible de la construction, ils contribuent à promouvoir un cadre de vie favorable, ainsi qu’une cohabitation harmonieuse entre formes bâties et paysage environnant.

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Architecture