Pacifique : les dernières îles au trésor

A peine plus gros que des piqûres d’épingle sur une carte, les paradis fiscaux de l’océan Pacifique sont souvent isolés, minuscules et. démunis. Les îles Marshall, les îles Cook, Niue, Nauru et le Vanuatu figurent sur la liste « grise » de l’OCDE, l’organisation qui coordonne la lutte contre les paradis fiscaux au niveau mondial.

Pourtant, ces îles ne sont guère fréquentées par la jet-set, n’alignent pas dans leurs rues des boutiques de luxe et, le long de leurs quais, des yachts de milliardaires. Ces terres presque invisibles, et le plus souvent inconnues, ont trouvé dans leur mutation en centres offshore – car elles ne pouvaient prétendre à devenir de véritables plate-formes financières – le seul moyen d’attirer des capitaux.

Les Marshall, utilisées par les Américains pour y effectuer des essais nucléaires, dès la fin de la Seconde Guerre mondiale jusqu’aux années 60, sont presque totale-ment tributaires de l’aide étrangère. Le tourisme et la perliculture permettent aux îles Cook de s’en sortir un peu mieux mais leur population, faute de travail, doit émigrer vers la Nouvelle-Zélande à laquelle elles sont liées par un contrat de libre association.

Les paradis fiscaux du Pacifique devront peut-être bientôt se contenter d’être des paradis tropicaux.

C’est aussi grâce à l’aide financière de la Nouvelle-Zélande que les 1 300 habitants de l’île de Niue peuvent survivre. Cette monarchie constitutionnelle de 269 km2, installée sur une île corallienne, a pour seul produit d’exportation des timbres qui, s’ils ravissent les philatélistes, ne rapportent pas grand-chose à Niue. La république de Nauru, que l’extraction de phosphate avait enrichie par le passé, est aujourd’hui installée sur une île dévastée par une exploitation minière intensive. Ce tout petit Etat (21 km2) s’était, il y a quelques années, reconverti en prison pour les boat people qui venaient s’échouer sur les côtes australiennes et que Canberra ne voulait pas garder sur son territoire. Enfin, le somptueux archipel du Vanuatu, bien que nominé à plu-sieurs reprises comme la nation la plus heureuse de la planète par la fondation britannique New Economics, est, lui aussi, un pays pauvre.

Paradis fiscaux moins attractifs

Avant de devenir indépendante en 1980, la république du Vanuatu fut une curiosité institutionnelle : Les Nouvelles-Hébrides étaient un condominium où Français et Britanniques se partageaient le pouvoir. Aujourd’hui, ce sont les Australiens qui mènent la danse et ils ont décidé de transformer ce paradis fiscal en cauchemar financier pour ceux de leurs concitoyens qui, depuis plusieurs années, avaient trouvé le moyen d’échapper au fisc. Car, au Vanuatu, les impôts sur le revenu, sur le patrimoine et sur les bénéfices n’existent pas…

Après avoir été largement critiquée pour être trop onéreuse et pas assez efficace, l’opération Wickenby, lancée en 2006 par le Gouvernement australien pour lutter contre l’évasion fiscale, a finalement porté ses fruits. En mars 2012, une victoire décisive a été la décision de la Cour fédérale d’autoriser l’accès des enquêteurs à plus de 1 300 comptes de clients de la banque australienne ANZ au Vanuatu. « Il existe de moins en moins d’endroits où se cacher… Les Australiens les plus honnêtes n’envisagent même pas d’essayer d’échapper au fisc et les autres réalisent qu’il existe des moyens plus légitimes d’investir leur argent », commente le commissaire Michael D’Ascenzo qui dirige l’opération Wickenby. Les chiffres lui donnent raison : après 2 000 audits, 57 personnes condamnées et 24 enquêtes criminelles toujours en cours, il ne reste plus en activité que 11% des 2 621 entités australiennes qui faisaient des affaires au Vanuatu. Entre 2008 et 2011, l’argent dissimulé dans les treize principaux paradis fiscaux surveillés par l’opération Wickenby a, pour la première fois, amorcé un retour en direction de l’Australie. Sur la même période, le flux vers les centres offshore a diminué de 22%. Selon les autorités australiennes, cela correspond à un gain de 17 milliards de dollars australiens pour les caisses du pays. Les paradis fiscaux du Pacifique devront peut-être bientôt se contenter d’être des paradis tropicaux.

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