L’île Maurice, refuge fiscal pour le continent africain

L’île Maurice, destination de rêve aux plages de sable fin, est connue pour un autre paradis. Celui de sa fiscalité. La création d’une société offshore dans cette île au large de l’Afrique ne prend que quelques jours et n’est soumise à aucun impôt sur les plus-values ou sur les dividendes.

En bon paradis fiscal, Maurice ne divulguera pas l’identité des opérateurs des sociétés. Il vous suffira simplement d’envoyer une copie de votre carte d’identité, une référence bancaire et un justificatif de domicile pour que l’une des nombreuses agences intermédiaires s’occupe de votre dossier. En septembre 2010, le Forum mondial sur les paradis fiscaux a classé Maurice parmi les « mauvais élèves ». Même si l’île s’était engagée à faire des efforts en 2001, il manque des éléments dans son cadre légal pour forcer les entreprises à faire connaître leur comptabilité.

Située entre l’Afrique et l’Asie, l’île a été colonisée tour à tour par les Français et par les Britanniques. Un atout immense pour les investisseurs, qu’aime rappeler le vice-Premier ministre et ministre des Finances et du Développement économique, Xavier-Luc Duval : « Notre gouvernement est stable, les lois sont appliquées, et nous sommes parfaitement bilingues en anglais et en français, les deux langues les plus parlées en Afrique, ce qui nous permet d’être une destination rêvée pour les investisseurs africains. »

Un gouvernement stable. Un argument de choix pour nombre de riches entrepreneurs du continent africain. Pour ne citer que quelques exemples, l’instabilité politique au Zimbabwe a fait tomber le pays dans une inflation incontrôlable en 2005. Beaucoup d’entreprises ont tout perdu. La République démocratique du Congo (RDC), secouée par la guerre depuis 1996, n’offre plus aucune garantie d’investissements solides. Des pays africains en proie au chaos où, pourtant, il est facile de s’enrichir dans divers trafics d’armes, de minerais ou par la corruption.

Un gouvernement stable. Un argument de choix pour nombre de riches entrepreneurs du continent africain.

En juillet dernier, l’île Maurice a subi les foudres de Global Witness. Selon cette ONG, l’argent des « diamants du sang », exploités en toute illégalité par le gouverne-ment et l’armée zimbabwéens, repose tranquillement dans des comptes de la capitale Port Louis. Un autre organisme de surveillance de bonne gouvernance, Conflict Awareness Project, a dénoncé la création de sociétés offshore à Maurice qui servi-raient à alimenter les conflits sur le continent. En février, l’ONG a révélé son enquête : Viktor Bout, marchand d’armes russe, souhaitait implanter une société- écran pour écouler ses stocks en RDC et au Sud-Soudan via des entreprises américaines, anglaises et sud-africaines d’armement. Face aux pressions internationales, Maurice a reculé et a finalement refusé que Bout crée sa société sur ses terres. Le marchand d’armes a été condamné deux mois plus tard à vingt-cinq ans de prison par une juge de New York.

La pression monte à Maurice, seul pays africain classé comme « centre de finances offshore » par le Fonds Monétaire International en 2007. En juin, Xavier-Luc Duval a invité une délégation de journalistes internationaux pour leur montrer les avantages financiers de l’île. Il est monté au créneau : « Ce n’est pas parce que nos lois fiscales sont faibles que nous devons être considérés comme un paradis fiscal. » Rappelant l’affaire Bout, il a ajouté que l’île veille à ne pas être un refuge pour l’argent sale du continent. D’ailleurs, rappelle-t-il, « la finance ne représente que 12% de notre produit intérieur brut, derrière notre production industrielle ! »

Nikhil Treebhoohun, directeur du Global Institutional Investors Forum (GIIF), un puissant lobby financier qui défend les intérêts des banques, des sociétés et des fonds d’investissements basés à Maurice, dénonce l’hypocrisie des institutions financières internationales : « Ce sont les mêmes qui nous ont poussés à être un médiateur financier entre l’Europe, l’Asie et l’Afrique et maintenant que les pays du Nord sont en crise, ils nous accusent d’être un paradis fiscal ! »

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