Le Mexique, grand bazar du blanchiment

Personne, a priori, ne penserait à inclure le Mexique dans la liste des paradis fiscaux. Et pourtant.

La CEPAL – la Commission économique pour l’Amérique latine – n’hésite pas à qualifier ce membre de l’OCDE de « paradis fiscal de facto » ! Pourquoi ? En premier lieu, parce que c’est un pays où les contribuables paient peu d’impôts. Ensuite, parce que son système d’imposition est tel qu’il permet une grande évasion fiscale – grâce notamment à la corruption – et parce qu’il accorde de très nombreuses exemptions d’impôts.

Dans ces conditions, les recettes fiscales ne dépassent pas les 11% du produit intérieur brut, alors que la moyenne en Amérique latine est de 18%. Ce qui, au niveau régional, situe le Mexique tout en bas de l’échelle. L’une des raisons est à chercher dans l’évasion fiscale qui représente annuellement 2% du PIB !

Outre ces faiblesses du Mexique en matière d’impôts, ce pays semble aussi s’être converti en une usine de retraitement, dans la mesure où il joue un rôle important dans l’univers de la finance noire, et donc du blanchiment de capitaux issus principalement d’activités illicites et criminelles. Rien d’étonnant à cela puisqu’il est devenu une zone stratégique pour les narcotrafiquants qui contrôlent les routes de la drogue. A tel point que le Département d’Etat américain considère son voisin comme l’un des principaux pays de transit et de production des stupéfiants. On comprend alors pourquoi les cartels de la drogue, qui dirigent ce commerce illégal, sont économiquement toujours plus puissants. C’est le cas du Cartel de Sinaloa que dirige Joaquín « El Chapo » Guzmán, considéré par la revue Forbes comme l’un des hommes les plus riches et les plus influents de la planète !

Un blanchiment qui pourrait s’élever annuellement entre 20 et 40 milliards de dollars.

L’absence d’informations au sein du système financier mexicain, une législation obsolète pour lutter contre le blanchiment et des autorités judiciaires ne disposant que d’une étroite marge de manœuvre encouragent les trafiquants de drogue à laver leurs revenus au Mexique. Un blanchiment qui pourrait s’élever annuellement entre 20 et 40 milliards de dollars selon les autorités américaines.

Sophistiquées et bien organisées, ces organisations criminelles profitent de l’avantage que leur offrent les 3 000 kilomètres de frontière entre les deux pays pour transférer au Mexique l’argent issu de la vente de la drogue aux Etats-Unis. Pour ce faire, ils utilisent à la fois le flux légal des dollars envoyés mensuellement par les émigrants à leur famille et le volume énorme du commerce entre les deux pays.

Mais une grande partie des dollars rapatriés au Mexique le sont en espèces. Car les trafiquants savent parfaitement que l’utilisation du cash complique la détection d’argent sale et de son blanchiment. Et malgré les mesures prises par le Mexique depuis deux ans pour réduire l’utilisation de dollars en liquide dans les banques et bureaux de change dans le but d’empêcher ces opérations, la situation n’a guère évolué. Car le système financier mexicain est trop laxiste. On en veut pour preuve les dénonciations faites en juillet dernier par une commission d’enquête du Sénat américain. Elle accuse la banque HSBC d’avoir lavé durant la dernière décennie des mil-liards de dollars, à travers notamment sa filiale au Mexique. Rien qu’en 2007 et 2008, celle-ci a rapatrié – et recyclé – aux Etats-Unis quelque 7 milliards de dollars qui ont été déposés dans la succursale américaine de HSBC ou d’autres institutions financières. Cet argent préalablement blanchi a soit été transféré électroniquement, soit acheminé en espèces à travers la frontière.

Cette activité n’est probablement pas l’apanage d’une seule banque ou d’une seule branche de l’économie mexicaine. Elle serait même devenue si importante que le chercheur et spécialiste en la matière Edgardo Buscaglia n’hésite pas à affirmer que le Mexique s’est transformé en un « bazar international » du blanchiment d’argent. Il estime que plus des trois quarts des secteurs économiques du pays ont été pénétrés par la délinquance organisée – nationale et transnationale – qui les utilisent comme base patrimoniale ! Autant dire que le Mexique s’est converti en un paradis du… blanchiment d’argent sale !

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