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Le décor, c’est le message

Le dernier salon d’horlogerie de Genève n’abritait pas seulement des montres d’exception. Également l’une des créations les plus spectaculaires du studio Jean-Marc Gady: une scénographie de 1000 mètres carrés pour Montblanc.

C’est l’histoire d’un garçon de 13 ans qui fabriqua un jour sa propre fusée de Tintin. C’est l’histoire de ce garçon qui n’a plus décollé, depuis ce jour-là, la mine de son crayon de son carnet de croquis. Un carnet de croquis qui lui ouvrit les portes du design et se mua en un carnet d’adresses très envié. Ce garçon a un nom : Jean-Marc Gady, né en 1971 à Paris. Et ce nom est devenu celui d’un studio de création réputé, un nom qui rayonne depuis 12 ans dans les milieux du luxe. Diptyque, Montblanc, Perrouin, Baccarat, Louis Vuitton, Berluti

Le studio Jean-Marc Gady a brillé récemment à Genève, lors du dernier Salon international de haute horlogerie (SIHH), qui accueillait pour la quatrième fois un stand dessiné par l’équipe parisienne, celui des montres Montblanc, propriété du groupe Richemont. Une scénographie immersive totale sur fond d’ambiance alpestre, un parcours initiatique dans l’histoire de la marque et une plongée dans les 160 ans de Minerva, la manufacture jurassienne en mains de Montblanc, où sont réalisés tous ses garde-temps de haute horlogerie. Une exposition dans l’exposition. Un stand colossal de 1000 mètres carrés, avec ses murs végétaux monumentaux, sa cascade, son lounge tout en bois, son lac, ses salons privés.

Jean-Marc Gady lui-même n’était pas là pour parler de sa création. En réalité, il n’a contractuellement même plus le droit d’apparaître en public depuis que le géant de Cuppertino, Apple, l’a engagé en Californie, en 2014. Son studio parisien continue toutefois de tourner, la structure dépasse d’ailleurs depuis longtemps la seule capacité de création de Jean-Marc Gady. Un œil sur le portfolio suffit à comprendre que le petit atelier est devenu une entreprise, active dans tous les domaines de référence du design, produits, architecture d’intérieur, scénographie, muséographie. Et la parole est maintenant portée par la directrice de création, Emilie André.

 

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« Il travaille pour Apple depuis 2014 et tient son propre studio en parallèle. »

Emilie André explique à propos du stand Montblanc que l’intention était d’inviter le visiteur dans un panorama à 360 degrés : « Rappelant qu’il est crucial de puiser son inspiration et de se reconnecter à soi-même à travers la nature, dans une atmosphère propice à la contemplation. » On en retient aussi un effet de contraste saisissant. Comme si la montagne avait accouché de pièces d’horlogerie à l’architecture si fine qu’une loupe ne suffit pas en saisir toute la complexité.

Diplômé en 1996 de l’Ecole bleue en design et architecture d’intérieur, Jean-Marc Gady débute sa carrière dans la conception de mobilier, luminaires et objets dédiés à l’art de la table pour Ligne Roset et Liv’it. Il rejoint d’abord Louis Vuitton, comme directeur artistique des vitrines et des mises en scènes événementielles à travers le monde, avant d’ouvrir sa propre structure de création en 2006, dès le départ avec une vocation pluridisciplinaire.

Lorsqu’Apple l’appelle, il ne résiste pas. Mais il ne veut pas fermer son studio et en laisse la direction à son équipe, dirigée aujourd’hui par Marina Clout et Emilie André, secondées par une troupe de collaborateurs, réunion de talents polyvalents « dans un esprit de pur atelier ». La structure rappelle surtout combien le métier de scénographe a évolué, à la croisée des disciplines, de la création, de l’artisanat, de la technique, de l’architecture, du marketing, de la communication. Une approche inscrite dans les gênes de Jean-Marc Gady, qui a débuté sa carrière comme publicitaire, avant le tournant du design.

Comme l’explique Emilie André, prenant en exemple les nombreuses mises en scène réalisées pour Berluti : « La vitrine est un vecteur de message. Nous essayonsde traduire les valeurs de la marque pour laquelle nous travaillons à travers les vitrines et d’amener une part de poésie, d’émotion, un message. »Reflet d’un métier en pleine évolution, où les mandats s’entreprennent comme un chantier global, de la création à la mise en production, du savoir-faire au faire-savoir.