Des « salles d’ordinateurs » pour les Indiens

En Inde, la technologie peut améliorer l’apprentissage des plus défavorisés. Jamais dans son histoire, ce pays n’a connu un taux de scolarisation aussi élevé : il atteint désormais les 96%. Mais derrière cette réussite se cache le revers de la médaille : une étude menée dans toute l’Inde a montré qu’en 2005 seuls 44% des enfants âgés de 7 à 12 ans pouvaient lire correctement un paragraphe et la moitié d’entre eux ne savaient pas effectuer une simple soustraction.

Ces dernières années, la scolarisation de masse s’est faite au détriment de l’apprentissage. « Ni la pédagogie, ni les programmes scolaires, n’ont été adaptés pour prendre en compte l’arrivée massive d’enfants et leurs spécificités : beaucoup d’entre eux font partie de la première génération à aller à l’école et leurs parents ne sont pas en position de comprendre ce que leurs enfants apprennent ou même quelle attitude adopter s’ils accusent du retard », constate une équipe de chercheurs de l’université américaine du MIT dans un rapport intitulé Remedying education : evidence from two randomized experiments in India et publié en 2005.

Un projet mené par l’ONG indienne Pratham InfoTech Foundation a toutefois permis aux élèves les plus faibles d’améliorer leur niveau. L’ONG a installé des « salles d’ordinateurs » dans plusieurs écoles pour permettre aux élèves de jouer à des jeux faisant appel à leurs acquis, comme la résolution d’équations. Dans les villages dépourvus d’électricité ou soumis à des coupures de courant, des ordinateurs portables et des tablettes rechargeables à l’énergie solaire ont été distribués. Au bout d’un an, le niveau des élèves a sensiblement augmenté. « Il est très difficile d’installer des ordinateurs ou des nouvelles technologies dans la salle de classe car l’instituteur souvent n’a pas les compétences, ou croit ne pas les avoir, pour les utiliser, et peut se sentir en insécurité », explique Prem Yadav, à l’origine du projet.

Cette ONG a également constaté que les instituteurs étaient réticents à passer des heures supplémentaires dans ces salles d’ordinateurs. Des volontaires issus de chaque communauté locale, et en majorité des femmes, ont donc été recrutés et formés pour aider les enfants à jouer tout en apprenant sur ordinateur, deux ou trois fois par semaine. « Ces volontaires, payés une somme modique, sont très jeunes et ont besoin d’une première expérience professionnelle ; ils apprennent également les rudiments de l’informatique lors de nos formations, et bénéficient aussi d’une certaine reconnaissance sociale au sein de leur communauté », témoigne Prem Yadav. Dans les écoles privées des quartiers pauvres, les parents doivent débourser entre 5 et 10 euros par an pour le paiement des volontaires et la maintenance des ordinateurs, et dans les écoles publiques les programmes sont subventionnés par l’État. L’ONG a dû concevoir et adapter des logiciels pour ces enfants défavorisés qui bien souvent ne parlent pas l’anglais, en les traduisant dans plusieurs langues régionales et en hindi. 600 « digitech centers » ou salles d’ordinateurs ont été créés dans 13 États indiens et, depuis leur création, 700 000 Indiens les ont fréquentés. L’ONG utilise aussi ces salles pour familiariser les enfants avec les nouvelles technologies, dans un pays où le fossé numérique créée des inégalités entre ruraux et urbains, pauvres et riches. Les plus jeunes apprennent à utiliser les logiciels de traitement de texte et peuvent, dès l’âge de 13 ans, découvrir le design graphique ou la programmation informatique grâce au logiciel intuitif Scratch spécialement mis au point par le MIT Media Lab pour cette classe d’âge. Preuve du succès de ces salles d’ordinateurs, des cours ont même été conçus pour les parents afin de leur apprendre à naviguer sur Internet ou à télécharger des applications sur leurs smartphones. Ces digitech centers ont déjà créé des milliers d’emplois. L’ONG a proposé aux jeunes en échec scolaire de les former à la maintenance informatique pour leur redonner un avenir et leur garantir un minimum de revenus en leur confiant la réparation de ses ordinateurs.

600 ‹ digitech centers › ont été créés dans 13 États indiens, 700 000 Indiens les ont fréquentés.

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