ALT

Vous avez dit paradis fiscal ?

Dans son ouvrage Comment parler des lieux où l’on n’a pas été ? (Ed. de Minuit), l’écrivain et psychanalyste Pierre Bayard évoque les « pays rêvés » imaginés par
des « voyageurs sédentaires » comme Chateaubriand ou Karl May pour les Etats-Unis, voire Marco Polo pour la Chine. En somme, ces génies du récit ont largement inventé des descriptions de contrées mystérieuses qui se sont peu à peu imposées dans l’esprit des étrangers… et même des habitants des pays concernés. Les Américains se sont ainsi mis à édifier, à destination des touristes, des villages indiens devant plus au roman Winnetou de l’Allemand May qu’au passé glorieux des Peaux-Rouges.

De fait, l’image que certains de nos voisins ont de la Suisse et de son système bancaire, financier et fiscal, paraît parfois relever du même phénomène. Paradis fiscal, comptes à numéro, franchise d’impôt, blanchiment… L’Etat de droit helvétique, si soucieux de légalisme, sinon de morale, et d’adaptation aux normes internationales, cet Etat qui paraît céder avant même qu’on ne l’y force, reste suspect. Des ministres étrangers (dont au moins deux sont ensuite tombés pour corruption) dispensent condamnations outrées et accusations infondées, tandis que, de Washington à Berlin en passant par Rome et Paris, les responsables se disent convaincus que les déficits vertigineux de leurs finances ne sauraient venir que de l’action de fraudeurs éhontés et de leurs complices helvétiques.

Les négociateurs et banquiers suisses tentent, avec plus ou moins de succès, de limiter les dégâts et de fournir des preuves de leur bonne volonté. Jusqu’où iront-ils, jusqu’où sont-ils déjà allés, et cela a-t-il réellement modifié l’attitude de justiciers extérieurs eux-mêmes concernés par des pratiques financières et fiscales parfois difficiles à expliquer ? Quatre spécialistes fournissent leur éclairage, dont se dégage un sentiment commun : dans les tractations qui battent leur plein, la Suisse ne devrait plus céder sans obtenir de contrepartie. Restera ensuite à réparer les torts faits à l’image du pays, victime d’une véritable offensive dont l’esprit de concurrence, loyale ou non, ne semble pas absent.

Rubriques
Économie