La tentation de la capsule

Comment désengorger les villes du trafic ? Certaines développent leurs réseaux de bus, de métro autonome et de train. Tandis que d’autres regardent le ciel en misant sur le téléphérique urbain.

Si vous pensiez raconter à vos petits-enfants que vous avez vu arriver, au début des années 2020, la révolution des transports, vous allez être déçus. Vélos et voitures électriques envahissent certes peu à peu nos centres-villes, tandis que les trottinettes en sont de plus en plus bannies. Des métros sans conducteur nous transportent depuis plusieurs années, de quoi se croire dans Blade Runner. Mais vous n’avez encore rien vu. Mue par deux phénomènes inévitables liés l’un à l’autre, l’accroissement des populations des villes, partout dans le monde – au détriment des zones rurales – et le réchauffement climatique, la révolution des transports urbains ne fait que commencer.

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Le téléphérique La Paz - El Alto, officiellement baptisé Mi Teleférico, est le plus grand réseau de téléphérique urbain du monde.

Capitale des œufs

En Afrique, 2022 a marqué deux moments historiques : la mise en service du TER qui doit désengorger Dakar avant qu’un autre ne desserve l’aéroport international de la capitale sénégalaise cette année. En Côte d’Ivoire, la future ligne 1 du métro d’Abidjan (dont le coût devrait avoisiner 1,5 milliard de francs), longue de 37 kilomètres, a vu sa construction débuter pour transporter à terme 530’000 passagers par jour. C’est actuellement le projet de transport urbain le plus ambitieux d’Afrique subsaharienne.

La Paz, capitale de la Bolivie, s’est, elle, dotée depuis 2014 du plus grand réseau de téléphérique du monde. Six lignes quadrillent la ville. Ici comme ailleurs, ces œufs urbains s’annoncent comme l’une des armes majeures utilisées pour lutter contre les effets néfastes de la circulation automobile. Certes, parfois, les projets tombent à l’eau comme à Genève, où le projet de télécabines entre la douane de Bardonnex et l’aéroport (à une vitesse commerciale de 20 km/h) a été abandonné en 2019. Le développement des lignes de tram et l’extension de la gare Cornavin ont été privilégiés.

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La future ligne 1 du métro d’Abidjan. Le projet de transport urbain le plus ambitieux d’Afrique subsaharienne.

En France, à l’inverse, le téléphérique a le vent en poupe. Déjà effectif à Brest (avec de nombreux ratés), il devrait s’implanter à Lyon (en 2025), à Toulouse et même à Saint-Gervais, à 15 kilomètres de Chamonix. Scindée en deux parties (une dans la plaine, une en montagne), Saint-Gervais devrait se doter de deux gares afin d’éviter que les habitants (et les skieurs) ne prennent leur voiture. Coût estimé : près de 160 millions d’euros sur une dizaine d’années. « Depuis le Fayet, tous les accès seront présents : le TGV, le Léman Express, le TER, une gare routière, une véloroute, explique le maire de Saint-Gervais, Jean-Marc Peillex. Un pôle d’échange intermodal est programmé. La gare sera repensée. Des fonds suisses transfontaliers à hauteur de trois millions d’euros seront inscrits au financement, en complément de notre plan État-Région. » Temps estimé de trajet entre le bas et le haut de la commune : quatre minutes contre près d’une demi-heure dans le meilleur des cas en voiture.

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Le téléphérique de Brest relie les deux rives de la Penfeld depuis 2016.

En France toujours, à Nancy, quatre écoles d’ingénieurs associées à trois laboratoires de recherche ont développé l’Urbanloop, un système de capsules propulsées sur des rails dans des tuyaux de la largeur d’un trottoir, semi-enterrés, souterrains ou aériens. Rapide, écologique, économique et silencieux, ce nouveau mode de transport promet de déplacer les habitants à 60 km/h, quatre fois plus vite qu’une voiture ou un bus en métropole. « On est sur un minimétro écologique », précise Jean-Philippe Mangeot, le directeur du projet.

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(Urbanloop)
À Nancy, le minimétro écologique Urbanloop promet de déplacer les habitants quatre fois plus vite qu’une voiture ou un bus.

Actions contradictoires

En Suisse, la voiture individuelle représente à elle seule 71% des kilomètres parcourus chaque année. La Confédération est d’ailleurs devenue le premier pays au monde à redéfinir ses bases légales pour appréhender les véhicules autonomes. Notre pays se prépare ainsi à l’arrivée sur ses routes des automobiles de niveau 3, qui roulent déjà aux États-Unis de façon complètement indépendante sur l’autoroute. « On parle de 2030, 2040 ou 2050. Les experts ne sont pas tous d’accord », indique Tobias Arnold, politologue auprès du bureau d’études Interface, cité par la RTS.

À Lausanne, ville compliquée en raison de sa topographie (les cyclistes n’y représentent que 1% des déplacements), on réfléchit aussi à d’autres mobilités. Dans un rapport rédigé en 2020, la Fondation Jean-Monnet pour l’Europe a toutefois regretté qu’il y faille payer un supplément pour emporter un vélo dans les transports publics. Verdict en demi-teinte pour les experts : certes, la ville mise sur le développement des transports en commun, notamment son réseau de métro. Mais avec la construction d’une nouvelle autoroute de contournement à Morges, un projet dans les tiroirs depuis 2013, les décideurs politiques font-ils le bon choix ? « Répondre à une augmentation des flux par de nouvelles routes destinées à absorber ces flux a rarement fait ses preuves, écrit la Fondation Jean-Monnet. En général, il en résulte plutôt une augmentation du trafic. » Directrice Énergie et Transports chez Wavestone (cabinet de conseil en management et en digital) Carole Pezzali estime pourtant que « d’ici vingt ans, il y aura environ deux fois moins de véhicules en ville ». Partout, comme à Genève où certains rêvent d’instaurer un péage urbain (qui pourrait réduire le trafic de 75% au centre-ville et rapporter 130 millions de francs par an), on agit plus pour diminuer la place de l’automobile dans les villes que de lui faciliter la vie. On est toutefois loin des taxis-drones ou des taxis-robots que fantasment pour les années qui viennent les bureaux d’ingénierie. Des projets qui relèvent aujourd’hui bien plus de la science-fiction que de la réalité.